mardi, décembre 21, 2004

Pierre, Jean, Jacques

Noël approche.
La ville s’est faite belle le temps d’une illusion. Les minarets modernes chantent en dolby le petit Jésus et la pierre arbore des larmes lumineuses, multicolores. Ce serait beau si la misère ne s’était aussi mise sur son trente-et-un.

Pierre a loadé sa carte pour faire croire à ses enfants qu’ils sont heureux. En janvier, ils n’auraient peut-être pas déjeuné si, heureusement, leur école ne s’était située dans un secteur défavorisé.

Jean fait des affaires d’or sur un coin de rue de la Main à tendre la main. Avec toutes ces lumières, ce clinquant dont on a paré la nuit, il est vraiment plus laid. Et comme c’est bien fait, le froid s’est pointé le nez. Il fait vraiment pitié, tant mieux : les affaires sont bonnes. Curieusement, à ce temps-ci de l’année, les gens le voient. Probablement parce que leur marche est ralentie par tous ces sacs de cadeaux et le poids de la honte. On s’arrête pour lui parler, lui souhaiter de joyeuses fêtes, puis on fait danser dans sa main grelottante les huarts qui n’auront pas servi à acheter l’assortiment de trucs-machins-qui-sentent-la-vieille-fille pour la tante Ginette.

Jacques, habillé comme sa chienne, parle tout seul dans sa barbe. Toujours les mêmes phrases. Le même mot surtout, le seul qu’on lui aura appris au Centre entre les rations de pilules de bonheur. Un mot, une gâterie, comme pour les perroquets. Depuis il répète : désinstitutionnalisation. Les messieurs en blanc lui ont dit avec une tape sur le dos : " Va mon bel oiseau, tu es libre ! " Bulle, envole-toi…disparais. Comme sont gentils !

Noël pour fêter la naissance de Jésus. Pourquoi j’ai plutôt l’impression que c’est l’époque où on le remet sur la croix pour montrer sa souffrance à venir ?
La charrue avant l’âne et le bœuf.
Misère…

3 commentaires:

Daniel Rondeau a dit...

Pierre, Jean, Jacques, un paquet de sans prestige. Alors que nous, on est tous des Melchior, des Gaspar et des Balthazar; on suit les étoiles et on préfère donner à ceux qui sont déjà dieu...

Lagreff a dit...

Pfff... fait chier ça, quand le commentaire est plus beau que le texte.
Merci Dan.

Daniel Rondeau a dit...

Quand le blog est inspirant...

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C'est vrai que ce pourrait être un aphorisme!
Vendu.