vendredi, septembre 02, 2005

Montée de lait (pauvre Tiger)

Tous les soirs (j’arrête de boire!), tous les matins, en fait, après le boulot, alors que je remercie le neurone qui me permet encore de respirer, un gentil taxi me ramène au bercail. En général, j’aime bien causer un brin avec les chauffeurs. C’est un monde, le taxi. Chacune des conversations pourrait faire l’objet d’un billet, les chauffeurs étant passés maîtres dans l’art de la discussion rapide. J’aime cette idée de deux inconnus qui conversent ensemble cinq minutes; un thème, partez, merci au revoir. Le speed-dating de la jasette, quoi.

N’empêche qu’hier je me suis demandé si je n’aurais pas mieux fait de marcher que de me taper le fasciste de service de la Coop. La radio donnait le dernier bilan de Katrina quand le chauffeur me lance, du haut de son monticule de graisse :

« Coudonc, les nègres vont-tu arrêter de se plaindre! Pourraient au moins s’entraider au lieu de rester sur leurs maisons à chialer! Comme pendant le matsuni (sic), me semble… »

J’étais effaré, je pensais avoir mal entendu. J’ai bien tenté de lui expliquer qu’on ne peut pas aider grand monde quand on est pris sur le toit d’une maison, sans vivre, eau, électricité, etc., et que la couleur de la peau n’avait rien à voir là-dedans.

« Quoi, vous prenez pour eux? Venez pas me dire… Ah, pour une fois que ça arrive au monde qui le mérite… Criss de nègres, ça reste assis sur son cul toute la journée à attendre l’argent du gouvernement pis après ça pleure quand vient le temps de se le bouger! Z’ont pas de cœur, les vaches! Remarquez, y’en a des bons… Tiger Woods par exemple… »

C’en était trop. Impossible en cinq minutes de changer cinquante ans de conditionnement raciste. J’étais de toute façon rendu à destination. Ne me restait plus qu’à me faire plaisir en tombant à son niveau. J’ai été aussi con que lui mais ça m’a fait du bien :

« Mon bon monsieur (morve immonde), sachez que si on mettait tous les obèses dans le même panier, il percerait. Ah et puis tiens, ça ne vous dérange pas trop si je garde le pourboire pour le fonds d’aide aux chauffeurs de taxi débiles, bornés et racistes? En cas de pépin, hein? on ne sait jamais...»

J’ai souri, l’œil tueur.
Je voyais bien dans son regard porcin l’incompréhension, l’impression qu’il venait de se faire trahir par un pair. Désolé, mon bon monsieur (chiasse sanieuse), demain je demande un chauffeur Haïtien. Eux au moins sont rigolos (sans cellulaire, s’entend)…

6 commentaires:

Anonyme a dit...

Fiston.......

bel exemple qu'il y a plein de coups de pieds au cul qui se perdent dand l'Univers...

C'est tellement désolant de constater le manque d'évolution de ces imbéciles...

Qui disait qu'un intelligent peut faire le con mais que l'inverse est impossible???

Loba

Catherine a dit...

oh la, lé jouissif ce texte jeff, l'impression de péter un plomb en même temps que toi. Une bonne main d'applaudissement.

Mamathilde a dit...

Le covoiturage nous en fait décidément voir des belles. Je lis ton texte et je repense à mon zozo croyant homophobe. Dans un cas comme dans l'autre, j'ai les cheveux hérissés.

Et je dis comme Catherine : le texte est excellent.

Patrick Dion a dit...

Et vlan dans les dents ! T'aurais même pu en rajouter un peu plus de ma part ! J'te donne la permission pour la prochaine fois ! ;-)

Daniel Rondeau a dit...

Il y a un fonds d’aide aux chauffeurs de taxi débiles, bornés et racistes? Ça doit être vraiment juste le fond alors, parce que...

Lagreff a dit...

Dans le même ordre d'idée, à voir : le film CRASH. Pour comprendre qu'on est toujours le raciste d'un autre, que l'on est d'abord son propre ennemi, bien avant les autres.