mercredi, mars 23, 2005

Gagner, croûte que croûte

Texte publié dans le cadre du collectif Coïtus Impromptus, sans thème cette semaine mais avec comme contrainte qu'il devait commencer par : Déjà un trou, pourtant il était neuf (...)


Déjà un trou, pourtant il était Neufchâtel d'appellation, pur produit du lait cru de vache de la meilleure qualité. En principe, les trous n’auraient dû commencer à apparaître qu’au septième jour d’affinage. Pas même quatre de passés… Bizarre.

Quentin révisa sa recette par trois fois avant de se rendre à l’évidence : il ne gagnerait jamais le Grand concours fromager de la Seine-Maritime avec cette masse informe pleine d’air. Quoi faire? Pomper l’air, s’asseoir sur la meule quelques jours, injecter de l’hélium dans les trous pour au moins faire rire les enfants ? Hum… Il commençait à donner raison à l’adage, jurant dans sa barbe : « Y’a pas de quoi en faire un fromage, comme on dit. P’tain, j’aurais dû faire boucher ! Grrr… »

Tout dépité, sa briquette sous le bras, il partit demander conseil à la mairesse de Neufchâtel-en Bray, grande érudite en matière de çapue (qu’on affublait ici affectueusement du sobriquet de Vache-qui-rit). Malheur, l’élue déclarait absente, partie au champ recruter des érecteurs.

Sur le chemin du retour, il rencontra une chèvre esseulée qui pleurnichait en broutant.

– Je peux pleurer avec toi ? s’enquit-il auprès de la cornue . On sera moins seuls.
– Bêêê sûr. Mais, je ne pleure pas. J’ai simplement une mouche dans l’œil. Et puis j’ai les pis qui me font mal. Personne veut me traire ici-bas, sont tous occupés avec leurs vaches.
– Laisse-moi t’aider…

Il souffla doucement sur son œil, libérant la mouche, puis d’une main preste entreprit de la délester de son lait.

– Mon sauveur ! Que puis-je faire pour vous remercier ? En passant, on vous a déjà dit que vous aviez une fort jolie barbichette ?
– Euh… laisse-moi y réfléchir… la tienne n’est pas mal non plus… Viens, je t’emmène avec moi.


Cette année-là, un dénommé Quentin remporta le Grand concours fromager de la Seine-Maritime avec un fromage original, au goût extrêmement particulier. On en disait qu’il ne pouvait avoir été fait qu’avec le plus grand des amours.

Avec sa chèvre, il vécut heureux et ils eurent plein de petits.
(De petits fromages, s’entend, bande de pervers !)

5 commentaires:

Mamathilde a dit...

Morte de rire!!! Vraiment! J'aurais dû me douter que tu pourrais me faire une histoire de chèvre qui soit à se point mignone et rigolotte!

Lagreff a dit...

J'ai triché : le neuchâtel est un fromage à pâte molle, sans trous.

Catherine a dit...

T'es un gros dégueu, voilà ce que t'es!!!
Sur un autre ton, est-ce normal que je n'aie pas reçu ledit texte par e-mail!?!?

Daniel Rondeau a dit...

Comme le dirait M. Séguin: vaut mieux une chèvre qu'un trou dans un fromage.

Patrick Dion a dit...

M. Séguin disait aussi: Rien n'équivaut le trou d'une chèvre et y a vraiment pas de quoi en faire un fromage !

Merci Jeff de nous avoir épargné le pantalon et le chandail.