jeudi, janvier 13, 2005

Dis-moi qui tu es

Dépossédé de mon identité – un comique m’a chapardé mon portefeuille –, j’ai dû faire la tournée des grands ducs de la bureaucratie afin de redevenir quelqu’un. Après trois jours d’angoisse à me demander qui j’étais, je suis parti à la quête de moi.
D’abord la S.A.A.Q., puisque le permis de conduire, siège de l’âme, te permet d’accéder aux autres facettes de ta personnalité. (Conduire est dangereux, alors forcément, avec le permis on t’envoie la carte d’assurance-maladie – dont je n’ai pas vraiment besoin d’ailleurs : elle est pleine.)
Fallait me voir, tout miel devant la grosse pousse-crayon aux doigts boudinés d’un orgueil plus grand que Laval.

« – Bonjour madame. Oh, c’est joli ce que vous portez… pure soie, j’imagine ; on voit que vous avez du goût… Ce qui m’amène ? Ah oui, pardon, je m’égare, mais c’est que je me demandais où vous aviez trouvé ce superbe tricot si bien agencé à vos lunettes en écailles.
– Venez-en au fait, monsieur X.
– Voilà : je me suis fait voler et bla bla bla…
– Pas de problème, montrez-moi vos pièces d’identité avec photo et on vous fait une autre carte pour simplement 27,95$.
(Une aubaine !)

Ben justement, épaisse, si j’avais mes pièces d’identité avec photo, je ne serais pas ici en train de contempler ton faciès porcin et ton air si fier de pratiquer le macramé extrême ou le curling sur gazon, me disais-je in petto.
Le problème, c’est que je n’avais comme pièces justificatives que des comptes (ça j’en ai en masse !) ainsi qu’un passeport périmé depuis 16 ans.
Elle le regardait, me matait, le lorgnait, me dévisageait ; continuez comme ça pendant deux minutes aussi longues qu’une vague d’entraide qui suit un tsunami.

– Hi hi, c’est drôle, vous aviez des cheveux à l’époque. Ça vous change. On dirait presque que vous n’êtes pas vous. Ça m’en prendrait plus, vous savez.
– Malheureusement, c’est tout ce que j’ai, lui répondis-je en pratiquant mon sourire sanantoniesque #23.
– Bon, c’est bien parce que je suis bonne pâte (!!!), que vous m’avez l’air sympathique et que j’ai faim (tu parles, j’imagine). »
Puis elle m’explique que le matin réveil des grands départs s’est soldé par un frugal déjeuner aux Capitaine Crounch en route pour le boulot, sur le pont (tiens, j’avais raison).

J’ai finalement eu le droit de savoir que j’étais bien moi à l’aide d’un bout de plastique tendu par la main de la cousine du Big Frère. Ce qui me permit (!) de me procurer une carte de guichet ainsi que d’aller renouveler mes 14 abonnements aux clubs vidéos environnant mon humble logis.

De retour chez moi, ulcéré par la Machine, j’ai décidé de me défouler en faisant du ménage. Tout en bulldozant les monticules de linge, je me disais : « Si jamais j’attrape le cave qui m’a volé, il va passer un mauvais quart d’heure ! »

C’est là qu’il est apparu, s’éjectant d’une jeanesque poche : mon portefeuille.

J’ai attrapé le cave qui m’avait volé. Il ressemble étrangement au gars sur mon permis de conduire. Je ne lui ai pas fait passer un mauvais quart d’heure, non : je lui ai plutôt offert une bière.
Faut savoir pardonner.

Les cons ne sont pas toujours ceux qu’on pense.

9 commentaires:

Patrick Dion a dit...

Un orgueuil plus grand que Laval ? Hishhhhh !!!

Fak si j'comprends bien, le gars qui t'a volé ressemble au gars sur ton permis... Hummm, une chance qu'y ressemblait pas au gars sur ton passeport ! :-s

Mais chapeau pour la vague d'entraide qui suit le tsunami. C'est vrai que l'aide est venue A mari usque Rad Mare...

Bertrand a dit...

Manque de timing...

La prochaine fois égare tes papelards quand la préposé au remplacement sera une jeune fraîchement débarqué, genre 23 ans, yeux noisettes et bouche en amande...

Ça existe... En tout cas la dernière fois que j'ai perdu mon portefeuille...

Galad a dit...

Je dois admettre qu'il est plutôt difficile de résister à ton sourire sanantonièsque numéro 23 (quoi que personnellement, le 16 me fait particulièrement craquer). Comme je la comprend cette dame d'être tombée sous le charme!

Ceci étant dit, si l'envie te prenait de tenter l'expérience du ménage à l'échelle de l'igloo, tu ne retrouveras certainement pas un deuxième portefeuille, pas plus que tes défunts cheveux ou ta virginité, mais je t'assure que tu auras toute ma gratitude.

Chanceux, va! ;o)

Bertrand a dit...

Après les douleurs (réelles) des couples de poètes,
bous v'là dans les chicanes de "ménage"....

Daniel Rondeau a dit...

Tu l'as retrouvées???
Merde! C'est à qui les cartes que j'ai volées, d'abord?

Patrick Dion a dit...

Ça doit être à moi Dan, on se ressemble tellement J-F et moi ça a l'air ! ;-)

Coyote inquiet a dit...

hahahahahahah !

Mourant.

Lagreff a dit...

Voilà ! Sans les 7 fôôôtes, ça m'apparaît plus coulant, presque drôle. Merci Dan. Si vous en trouvez d'autres, n'hésitez pas.

Galad a dit...

Pfff, moi j'dis plus rien! :oP