jeudi, octobre 21, 2004

Lettre au présent imparfait

On s'en fait-y un ? qu'avait demandé papa par un soir de grand froid qui vous mordait les fesses. Et toi, naturellement, tu avais souri des lèvres et des jambes, simplement heureuse que le petit con prenne enfin de la graine. Il est lent parfois, papa, mais il finit toujours par comprendre.
Oh, je ne veux pas faire de chichis, l'idée était bonne, je vous l'accorde...
Merci d'avoir pensé à moi !

Mais à quoi il pense, le grand fafouin comico-cosmique, des fois je vous jure...
T'inventes l'eau, l'air, les fleurs, puis des trucs tout croche comme moi. À croire qu'il aurait fait un cauchemar le dimanche en se reposant. Pas fort Big-Bonhomme ! On ne se dit pas Dieu comme ça sans prendre de précautions, faut pas lésiner ! À son image, quelle connerie, oui !

Je me voyais déjà faire la grasse matinée de la vie, gazouiller, apprendre à marcher, à lire, à jouer du trombone, faire l'amour (hihi, ça, ça a l'air le fun !), être heureux, quoi. Me semble que je n'en demandais pas beaucoup.

Et puis le grand monsieur en blanc qui vient faire son savant pour épater la galerie avec ses mots qui ne sont que dans son dictionnaire à lui, avec sa grande oreille à écouter ton coeur en chamade. "Rien n'est sûr. On va faire des tests", tellement de tests que ça prend une batterie... Et viens que je t'ausculte de ta dignité, que je te triture (même s'il est gentil, ça fait mal, je le sens. Mais tu ne te plains jamais, tu es forte !)
Puis les résultats, toujours les mêmes... toujours les mêmes qui ont tout, oui ! Moi, il l'a dit le grand monsieur en blanc, je n'aurai jamais rien. Déjà qu'il me manque des bouts, je ne verrai jamais la lumière à celui du tunnel. Et finalement, il te conseille fortement de mettre fin à ma vie, alors que tout ton corps et ton coeur n'auront jamais autant désiré que de me la donner. Et je t'en remercie. Et te remercie de ta décision.

Tu voulais veiller sur moi toute ta vie, et voilà qu'un grain de sable dans la machine vient tout bousiller, voilà que maintenant ce sera à moi de veiller sur toi du haut de mon nuage, sur toi et sur papa, puis sur futur frérot et future soeurette ; parce que tu n'as pas à supporter le poids de l'injustice, parce que tu m'aimes et que je t'aime. Parce que tu m'aimes. Merci maman.

- ton 'tit-ange

5 commentaires:

La Souris & Myrrha a dit...

Je suis bouche bée...

Patrick Dion a dit...

"On va faire des tests", tellement de tests que ça prend une batterie..."

C'est fort Jeff, c'est vraiment fort !

Daniel Rondeau a dit...

On prend plaisir à relire ce texte qui raconte l'insoutenable!

Anonyme a dit...

Ouais, tu te défends mon Jeff... Je t'annonce que tu viens de remplacer mon site de recettes dans ma barre de favoris. Faudra que tu me montres comment m'en monter un aussi, de blog, histoire de perdre un peu plus de ce temps dont je ne dispose pas.
GV

Lagreff a dit...

La destinée des parents, c'est de faire la revue des souffrances à venir. Bien que le jeu en vaille la chandelle.