mercredi, novembre 17, 2004

D'humeur Massada

Yasserré la hache de guerre une fois pour toutes. Passé l’arme à gauche, comme on dit, lui qui d’armes n’avait que de petits cailloux à lancer dans la mer de l’indifférence. De lancer la première pierre créa des sillons qui fit entendre la voix des siens dans leur combat pour avoir le droit d’exister.
Le vieux guerrier peut enfin se reposer.
Goliath, lui, peut aussi se reposer et rire dans sa barbe (ou dans son tank), pendant que David va se garrocher des cailloux-boomerangs.
Beaucoup de corbeaux et peu de colombes.

J’étais en Israël en 1989, en pleine Intifada. Pendant qu’un illuminé mitraillait des croyants dans une église à Hebron, je pétais de joie dans la mer Morte (à ne pas essayer : ça brûle). L’Éden. Je flottais de bonheur, insouciant, jeune et surtout, libre. Puis j’ai laissé le circuit touristique pour me rendre dans les territoires occupés, à Hebron justement. Là j’ai commencé à me sentir gêné. Gêné d’être libre, d’être né dans un pays où on ne me demandait pas de mourir à petit feu ou de m’immoler pour la cause. Le malaise augmentait à mesure que les persiennes anti-balles se refermaient sur mon passage, dans les décombres de cette ville qui n’en est plus une. Et malgré tout, derrière les persiennes, quelques sourires.

L’inextricable du conflit m’effare. Qui des deux partis n’y a pas perdu un membre de sa famille ? J’ai parlé tant aux Palestiniens qu’aux Israéliens, qui me disaient tous être contre la guerre. Pourtant, derrière le discours, au fond des yeux : la haine. L’iniquité dans le combat me fait pencher pour la cause palestinienne. Mais s’ils étaient aussi riches et armés que les juifs, la paix trouverait-elle plus son chemin ? Pas sûr, han madame, comme dirait l’autre.

C’est à cette période que j’ai visité les ruines de Massada, une forteresse au sommet d’une montagne qui abrita la résistance juive face à l’envahisseur Romain. Le siège dura dix ans. L’histoire veut que les Romains durent bâtir une route en serpentins à même la montagne pour parvenir au sommet. À leur arrivée, ils trouvèrent tous les Zélotes morts. Suicide collectif.
Dix ans pour rien. Toujours pour rien.
Après avoir gravit la montagne à l’aube, avec ma gang, nous nous sommes installés pour un petit gueuleton à base de bouteilles de rouge, pâtés et baguettes. Bouffer comme des rois pendant que le soleil se lève sur la mer Morte, imaginez le pied !
Pendant que nous bections, une nuée de corbeaux tournoyaient au-dessus de nos têtes en croassant leur mélopée lugubre. Ballet de fantômes…
J’observais leur manège, quand tout à coup la masse noire s’est fragmentée. Zébrant le ciel, un éclair blanc.
Elle vola au milieu des corbeaux pendant un temps, puis vînt se poser à nos pieds.
Une colombe.
Elle nous a regardé quelques secondes, clin d’œil, puis elle a continué sa route.
Et les corbeaux lui ont foutu la paix.

J’ai toujours très vive en tête cette image. Pendant une minute, j’ai pensé à l’espoir.

2 commentaires:

Galad a dit...

Il est effectivement difficile de prendre parti dans ce conflit. Les médias se contentent, pour la plupart, de nous faire voir les palestiniens comme une bande de terroristes sanguinaires. S'ils nous présentaient plutôt des documentaires sérieux sur l'histoire de la Palestine et sur la création de l'état d'Israël en 1948, nous serions, certes, plus aptes à comprendre le conflit. Mais pourrions nous trancher pour autant?
Tiens, je viens de trouver le thème de mon prochain billet...

Daniel Rondeau a dit...

Rebaptiser intifada par anti-fadas serait déjà plus juste. Comme le dit Galad, comprendre l'histoire serait déjà un grand pas au dessus de l'amer de l'indifférence.